Nuit Blanche 2025 : Léo Nataf à la Fontaine des Innocents

TYPEINSTALLATION SONORE, LUMINEUSE ET SCULPTURALE
LIEULA FONTAINE DES INNOCENTS (PARIS 1)
DATE7 JUIN 2025
DANS LE CADRE DENUIT BLANCHE 2025
ARTISTELÉO NATAF
COMMISSAIREVICTORIA JONATHAN

Pour la Nuit Blanche 2025, Léo Nataf  investit la Fontaine des Innocents avec une installation monumentale et immersive, pensée spécifiquement pour ce lieu chargé d’histoire. Cette œuvre in situ s’inscrit dans une démarche constante de l’artiste : explorer les strates de l’histoire à travers des symboles, des formes hybrides et des récits collectifs. À travers une installation mêlant son, lumière, sculpture et fumée, nourri par sa passion pour l’anthropologie et un récent périple en Irak, Léo Nataf invite le public à un voyage inversé, une traversée poétique du Paris d’aujourd’hui vers les premières villes, dans la Mésopotamie du IVe millénaire av. J.-C. 

Léo Nataf devant la Fontaine des Innocents © Léo Nataf

Autel des Innocents

Une installation de Léo Nataf pour la Nuit Blanche 2025

Pour sa première œuvre in situ à Paris, Léo Nataf transforme la Fontaine des Innocents en un seuil sensoriel et historique. À travers une installation mêlant son, lumière, sculpture et fumée, il propose un voyage vers les origines des villes, dans la Mésopotamie du IVe millénaire av. J.-C. 

7 juin 2025 | Fontaine des Innocents | Accès libre dès 19h

Création sonore : Jonas Landman.

Commissariat et texte : Victoria Jonathan (Doors 门艺).  

Coordination : Équipe Nuit Blanche – Ville de Paris.

Production : ARTER.

Fabrication sculptures inox et structures métalliques : S-Concept.

Design & animation affiche : Iris Elkeslassy. 

Retour aux premières villes

Il y a environ 6000 ans, en Mésopotamie (l’actuel Irak et quelques portions de la Syrie, du Koweït et du sud-est de la Turquie), naissent les premières villes (Uruk, Larsa, Babylone), avec leurs systèmes d’administration par une puissance publique, leurs lois, leurs écritures, leurs systèmes hydrauliques, leurs mythes fondateurs. Léo Nataf s’empare de cette bascule originelle, ce moment où l’humain devient citadin, pour la reconstituer au cœur de Paris. 

La bande sonore de l’installation a été composée par Jonas Landman, en collaboration avec l’artiste. Ensemble, ils se sont inspirés de la plus ancienne partition musicale connue : un hymne religieux datant de 3500 ans, retrouvé en Assyrie et gravé sur une tablette d’argile. Cette boucle sonore d’une dizaine de minutes, aquatique et envoûtante, mêlant le oud et le synthé manipulés à l’aide de logiciels informatiques, est synchronisée avec des jeux de lumière colorée et une fumée qui s’élève depuis le sommet de la fontaine. Ce contraste entre l’eau et le feu, entre liquide et vapeur, les variations de couleurs et d’intensité selon les modulations sonores, renforcent l’aspect rituel et énigmatique de l’œuvre, formant un cycle hypnotique qui invite à la contemplation. 

Sculptures miroitantes, créatures hybrides et objets rituels 

Autour du dôme, des sculptures en inox poli miroir viennent habiter la fontaine. L’artiste s’est inspiré des nymphes et des tritons de la Renaissance sculptés sur le monument, pour évoquer les premières créatures hybrides de la mythologie mésopotamienne : griffons, chimères, cerbères, femmes-oiseaux, figures mi-animales mi-divines dont les récits ont traversé les âges pour nourrir les mythes égyptiens, grecs, nord-africains. Leurs surfaces réfléchissantes captent la lumière et les mouvements des spectateurs, créant un jeu d’apparitions et de disparitions.

Ces formes hybrides se mêlent à des objets rituels : chandeliers façonnés à partir de mains de Fatma, fibules berbères, artefacts façonnés ou collectés, souvent inspirés des cultures du Maghreb, dont l’artiste est originaire. Chaque élément devient une passerelle entre les temps, entre l’imaginaire sacré et l’objet du quotidien. Il s’agit, pour Léo Nataf, de convoquer des symboles universels, de décloisonner les récits, de faire dialoguer les spiritualités. 

Léo Nataf, « Hamsa Hustle », 2025. Courtesy de l’artist et Nil Gallery.

Fontaine des Innocents : un palimpseste urbain

Lieu emblématique de Paris, la Fontaine des Innocents est elle-même un vestige palimpseste. Construite en 1549 par Pierre Lescot et sculptée par Jean Goujon – surnommé le « Phidias français » en référence au grand sculpteur de l’Antiquité grecque – elle est l’une des rares fontaines de la Renaissance encore visibles dans la capitale. Ses bas-reliefs de naïades et de nymphes sont désormais exposés au Louvre

Érigée sur le terrain d’un ancien cimetière d’anonymes – le fameux charnier des Innocents – elle a traversé les siècles en se transformant : jouxtant autrefois l’église des Saints-Innocents (aujourd’hui disparue), devenue le centre d’un marché avant d’être déplacée et modifiée architecturalement au XIXe siècle lors de la construction des Halles Baltard, restaurée récemment à l’occasion des Jeux Olympiques, elle cristallise les mutations urbaines. C’est précisément cette sédimentation historique qui intéresse Léo Nataf : « partir de quelque chose de mort pour aller vers une mort vivante », dit-il. La fontaine devient ainsi un seuil entre les mondes visibles et invisibles, les temps révolus et les rémanences. 

John-James Chalon (1778-1854). « Le marché et la fontaine des Innocents ». Huile sur toile, 1822. Paris Musées / Musée Carnavalet.
Vue de la Fontaine des Innocents © Guillaume Bontemps / Ville de Paris

Une mort habitée : du cimetière parisien au vaudou haïtien

À Haïti, où l’artiste a travaillé il y a dix ans au sein d’une association de bénévoles en tant qu’enseignant d’arts plastiques, les cimetières ne sont pas que des lieux de repos : ils sont habités d’objets, de rituels, de forces. Le vaudou haïtien – souvent réduit à tort à une forme de magie noire – est avant tout une religion syncrétique qui trouve ses racines dans un mélange complexe de traditions africaines, de catholicisme et d’influences indigènes et européennes.  

Léo Nataf convoque ici le mythe du zombie, celui du mort temporaire que l’on enterre pour le faire renaître, afin de le lier au thème de la fontaine. Il y voit une analogie : un monument asséché depuis 2017, réactivé à l’occasion des JO, dont les eaux – et les mémoires – recommencent à circuler. La zombification, dans le vaudou, est le fruit d’un empoisonnement qui place la victime dans une forme de léthargie ; une fois réveillée, elle est entretenue dans son apathie et devient l’esclave du sorcier, un corps sans âme. Dans cette vision, le mort-vivant n’est pas un monstre, mais une allégorie puissante de l’oubli, de la dépossession de soi. Une métaphore pertinente pour une ville où l’on marche sur le passé sans toujours le voir. 

Theodor Josef Hubert Hoffbauer, « L’église et le cimetière des Saints-Innocents vers 1550 », gravure, fin XIXe siècle.

Un voyage dans Paris

L’installation de Léo Nataf est une traversée : géographique, historique, symbolique. « Je fais toujours un voyage dans le temps à partir d’un lieu », explique-t-il. « Je me rends quelque part, j’enquête, je gratte les couches d’histoire. » Qu’il soit en Irak, face à des ruines antiques, des cartouches de Daech ou des portraits de Saddam Hussein sculptés à même la roche, ou à Paris, sur le site d’un ancien cimetière, l’artiste trace des correspondances entre passé et présent. Il convoque les mémoires multiples, entremêle les époques, brouille les frontières entre sacré et profane. À la Fontaine des Innocents, il propose une réflexion sur la ville elle-même, sa genèse, ses strates, ses fantômes. Une œuvre à la fois sonore, sculpturale et lumineuse, qui fait dialoguer l’histoire ancienne avec les urgences contemporaines, et interroge ce qui, dans nos villes modernes, continue de vibrer des premières civilisations humaines. 

Portrait de Léo Nataf ©Léo Nataf

Biographie de l’artiste

Léo Nataf est un artiste plasticien né en 1994 à Paris. Diplômé de l’école d’art Saint Martins (Londres), il vit et travaille à Saint-Denis. Passionné d’anthropologie, sa démarche est rythmée par des aller-retours entre sa propre culture et celles des autres, entre histoires individuelles et histoire collective.

Qu’il parte sur les traces de sa famille juive exilée d’Afrique du Nord ou séjourne en immersion dans les dernières sociétés de chasseurs-cueilleurs en Amazonie, Léo Nataf rapporte de ses voyages toutes sortes d’objets qui viennent influencer, voire directement intégrer, une pratique artistique plurielle nourrie de matériaux hybrides.

Il a participé aux foires 1-54 (New York) et Ceramic Brussels, à la Biennale de Paname, au festival Dalala (Paris) et à des expositions au 3537 (Paris), aux galeries Dumonteil et Clavé Fine Art (Paris), à l’Hôtel Agar (Cavaillon) et à la galerie Boulakia (Londres). Léo Nataf est le co-fondateur du collectif La Kasba qui organise des soirées DJ autour de la culture nord-africaine dans des lieux parisiens insolites.

Site : https://leonataf.com/

Instagram : @leonataf

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Entre vie nomade et enracinement culturel, CAO Dan partage son parcours entre la Chine et la France. Élevée dans une famille d’artistes, elle évoque l’importance de la distance dans les relations familiales, son adaptation à une existence mobile, et les défis actuels de l’art contemporain chinois sur la scène internationale.

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