10 photographes chinois à découvrir d’urgence

Sun Yanchu, "Eye of the Leopard". De la série de "Ficciones", 2014. Avec l'autorisation de l’artiste.

La Chine a connu au cours des deux dernières décennies une croissance économique sans précédent et de profonds changements sociaux. En parallèle de ces mutations, la photographie a explosé. L’individu et la ville sont au centre de l’attention des photographes chinois. En même temps, d’autres formes artistiques, comme la peinture, l’installation, la vidéo sont venues enrichir le médium photographique, offrant de nouvelles possibilités d’expérimentation et d’expression.

Dans cet article, Doors partage le travail de 10 photographes chinois contemporains, nominés pour l’édition 2017 du prix découverte du Jimei x Arles International Photography Festival. Agés de 25 à 45 ans, vivant dans leur pays ou à l’étranger, la diversité des regards de ces dix artistes donne un aperçu de la foisonnante scène photographique chinoise en même temps que des sujets qui traversent cette société en constante évolution : le statut des femmes face au mariage, les minorités ethniques, l’émigration, le consumérisme, la pollution et l’environnement, l’absurdité de la vie moderne, les technologies liées à l’image…

Deng Yun
Deng Yun, « Nose ».

« Nous vivons dans un monde tellement irrationnel, et pourtant, il est raisonnable. Peut-être que ma photographie devrait porter sur des choses qui arrivent tout simplement. »

Deng Yun (né en 1983) vit au Japon depuis 2003. Après l’université, il se met à la photographie et à l’écriture. Ses œuvres, généralement publiées sur WeChat et les réseaux sociaux, s’attachent à décrire des micro-scènes du quotidien, avec sensualité. Sa méthode créative est très libre, pleine d’émotion, et il se plaît à explorer les liens entre différentes formes artistiques, comme la photographie, la poésie et la musique.

Feng Li
Feng Li, de la série « White night », depuis 2005. Avec l’autorisation de l’artiste.

“Chacune de mes photos est une histoire en soi”

Né à Chengdu (Sichuan) en 1971, diplômé de médecine chinoise, Feng Li pratique la photographie à la fois en tant que fonctionnaire du département de propagande de la province du Sichuan, et en tant qu’artiste.

A l’opposé de l’imagerie officielle qu’il produit dans le cadre de ses fonctions, son travail personnel se nourrit de la réalité et des rencontres fortuites que lui offrent les rues de Chengdu et ses pérégrinations quotidiennes dans la société chinoise contemporaine.

Depuis 2005, le photographe nourrit rigoureusement une série unique, répondant à quelques contraintes formelles simples (format vertical, utilisation du flash) : White Night. Feng Li est le lauréat du prix découverte du Jimei x Arles International Photo Festival.

Instagram

Lisez notre interview avec Feng Li

Guo Yingguang
Guo Yingguang, « Sans titre », de la série « The Bliss of Conformity », 2016.
Guo Yingguang, « Sans titre ». De la série « The Bliss of Conformity », 2016.

 » « The Bliss of Conformity » examine les relations complexes, en se concentrant sur les mariages arrangés à travers la Chine. »

Née en 1983 et formée au Royaume-Uni (London College of Communication University of the Arts), Guo Yingguang a débuté sa carrière de photographe dans la presse (Reuters, China Daily…).

Son travail artistique reste très ancré dans la réalité sociale de la Chine contemporaine. Femmes « laissées pour compte » (terme désignant les célibataires de plus de 30 ans), mariages arrangés, pseudo-intimité des rapports hommes-femmes… Sa série The Bliss of Conformity s’intéresse au phénomène des mariages arrangés dans des parcs publics par des parents de célibataires.

Son travail, qui mélange photographie et gravure, est empreint de mélancolie, de délicatesse et d’un certain sens de l’abstraction.

Guo Yingguang est la lauréate du Jimei x Arles-Madame Figaro Women Photographers Award en 2017, le premier prix chinois consacré aux photographes femmes.

Site internet de Guo Yingguang

Lisez notre interview avec Guo Yingguang

Jiang Yuxin
Jiang Yuxin, de la série « Five Events and Some Observations of Identity », 2015-2017. Avec l’autorisation de l’artiste.

« Lorsqu’une culture est plus puissante ou perçue comme supérieure, comment un individu issu d’une autre culture gère-t-il le malaise formé par les marqueurs subtils de la conscience culturelle ? « 

Née à Shanghai en 1987, Jiang Yuxin vit actuellement à Londres.

Elle se définit à la fois comme artiste et écrivain, et a co-fondé avec d’autres artistes le festival à but non lucratif pic.london. Photographie, vidéo, texte, action et installation : le travail de Jiang Yuxin mêle les formes.

Elle part à la recherche du politique dans les détails de la vie quotidienne, traque l’idéologie qui se niche dans les formes visuelles ou linguistiques, en prenant souvent pour point de départ une approche psychologique. Ainsi dans sa série Five Events and Some Observations on Identity (2015-2017), elle questionne son identité de Chinoise immigrée à Londres, et plus largement la question des migrations.

Site internet de Jiang Yuxin

Shao Wenhuan
Shao Wenhuan, “Green Bloom of Decay 12“, 2013. Avec l’autorisation de l’artiste.

Né en 1971 à Hotan dans la province du Xinjiang, Shao Wenhuan est diplômé de l’Ecole Nationale des Beaux-Arts de Dijon et de la China Academy of Art (Hangzhou), où il enseigne aujourd’hui.

Inspiré de la peinture traditionnelle chinoise, il mêle photographie et peinture pour créer des oeuvres métaphysiques inspirées de la nature.

Le travail de Shao Wenhuan a été largement montré en Chine et à l’étranger : Mingyuan Museum (Shanghai), the Folkwang Museum (Essen, Allemagne), Hangzhou Fine Arts Academy Museum (Hangzhou), Beijing Photography Biennial, First Biennial of Contemporary Art en Italie, Wuhan Art Museum, Lucerne Art Museum (Suisse)… Ses œuvres font partie de plusieurs collections publiques et privées, dont la célèbre collection d’art chinois d’Uli Sigg. 

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Les oeuvres de Shao Wenhua’s ont fait parties de l’exposition « Rocks! »

Siu Waihang
Siu Waihang, de la série « The Elusive ». Avec l’autorisation de l’artiste.
Siu Waihang, de la série « The Elusive ». Avec l’autorisation de l’artiste.

« En se promenant autour des baraquements [militaires] par curiosité, tout ce qui se trouve à l’intérieur semblait être éphémère. »

Siu Wai Hang est né en 1986 à Hong Kong d’un père arrivé de Chine en tant que réfugié dans les années 1970.

Hong Kong est son sujet de prédilection, et plus spécifiquement son identité par rapport à la Chine. Diplômé en Creative Media de la City University of Hong Kong, Siu Wai Hang imagine d’étonnantes installations photographiques : portraits imprimés sur des collages faits à partir de reçus (série Customers), flipboards automatiques montrant des images prises à distance de camps militaires près de Hong Kong (série The Elusive), spécimens végétaux atteints par la pollution photographiés façon herbier (série The Roadsider), panoramiques de la skyline illuminée de Hong Kong vue de Chine (série Inside Outland), longues pellicules étirées mettant en scène des mouvements de foule (série X).

Son exposition au festival Jimei x Arles a été distinguée par une mention spéciale du jury du Prix découverte.

Siu Wai Hang’s website

Sun Yanchu
Sun Yanchu, « Star and sea », de la série « Ficciones », 2014.

« J’ai trouvé ces photos dans des marchés aux puces. […] Les photos originales ont peut-être témoigné d’événements réels, mais les nouvelles photos, par mes modifications, sont-elles devenues miennes ? »

Expérimentateur solitaire, ses photos et vidéos mêlent sa vie personnelle à sa compréhension de la photographie, de la peinture et de l’image.

Une partie de son travail est sous le signe de la solitude et de l’intimité, comme dans les séries Obsessed (2004-2011) ou Colour (2006-2016). Tandis que dans Ficciones, il retravaille de vieilles photos dénichées aux puces pour les soumettre à son imagination et à ses propres expérimentations picturales (aquarelle, acrylique, feuille d’or, parfois sauce soja), leur donnant une nouvelle vie.

The Real
The Real, « Still ». De la série « Dance Theatre with Dama », 2015. Avec autorisation de l’artiste.
The Real, « Still I ». De la série « Dance Theatre with Dama », 2015. Avec l’autorisation de l’artiste.

« Des « espaces de danse des tantes chinoises » aux « espaces de danse des enfants », je m’intéresse aux corps des gens ordinaires, et à la façon dont ils s’expriment théâtralement dans leurs propres espaces. »

Nés après 1990, les trois membres du collectif The Real (Wang Mengfan, Da Zhuang et He Shaotong)viennent du monde du spectacle vivant. Ils vivent entre l’Allemagne et la Chine.

Ils créent des œuvres photographiques et vidéos dérivées de leur travail scénique (danse et théâtre). Dans la série Dance theatre of real people, ils remodèlent le format de la vidéo de danse, inspirés par la collaboration du danseur américain Merce Cunningham et du photographe Elliot Caplan.

Yu Feifei
Yu Feifei, « Ripped lovers ». Avec autorisation de l’artiste.
Yu Feifei, “Lovers’ Eyes”, 2017. Courtesy of the artist.

« Ma pratique artistique repose sur l’étude et l’exploration psychologiques des identités culturelles des individus. »

Née en 1988 à Canton, Yu Feifei est diplômée de la China Central Academy of Fine Arts (CAFA) et du Royal College of Art (Londres). Elle vit actuellement à Pékin.

Influencée par l’anthropologie, elle étudie les normes sociales et culturelles. Du monde matériel au monde virtuel, son travail vise à redéfinir les frontières entre les œuvres en 3D et les images en 2D, la vidéo et l’image fixe.

Les œuvres de Yu Feifei ont été exposées en Chine et à l’étranger (Londres, Dubai, Le Caire) et certaines sont entrées dans les collections du Victoria & Albert Museum (Londres).

Yu Mo
Yu Mo, de la série « Small town story », 2005-à nos jours. Avec autorisation de l’artiste.

« L’image est la frontière de la ville, les murs de l’histoire. Quelle que soit la solidité des murs d’une ville, ils s’effondreront, et pourtant l’histoire de cette ville perdurera. »

Yu Mo pratique quotidiennement la calligraphie et la photographie, répétant les mêmes gestes et accumulant les images.

Dans son projet The Story of A Small Town, il documente depuis dix ans la vie quotidienne de petites villes chinoises et de provinces où vivent des minorités ethniques (Yunnan, Xinjiang, Fujian, Guizhou…). La « petite ville » dont il raconte l’histoire, c’est la Chine, un pays dont la population rurale atteindra 600 millions d’habitants en 2050.

L’ensemble des citations de cet article sont extraites de l’article des nominés 2017 du festival de photographie Jimei x Arles sur le site du Three Shadows Photogrpahy Art Center.

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Âgés de 22 à 38 ans, ces dix artistes nous tendent un miroir vers la Chine contemporaine. Leurs travaux traitent de questions aussi différentes que le couple, l’intimité, le genre, la représentation de soi, la mémoire collective, l’espace urbain public et privé, les médias et les réseaux sociaux, la production et consommation de masse, les échanges mondialisés…
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